samedi 8 août 2015

Le CRA-W


 Le CRA-W

 (Centre wallon de Recherches agronomiques)

Cet établissement scientifique, fondé en 1872,  emploie plus de 450 personnes dont 120 scientifiques -  docteurs en sciences agronomiques, ingénieurs, licenciés. Implanté sur 3 sites (Gembloux, Libramont et Mussy-la-Ville), ses activités couvrent quelque 300 ha de bureaux, laboratoires, vergers et champs d’expérimentation. Régionalisé depuis le 1er octobre 2002, le CRA-W, maintenant Organisme d’intérêt Public, est l’unique centre de Recherches agronomiques public de la Région wallonne.
Cinq axes majeurs définissent ses orientations et objectifs opérationnels :
  • Améliorer le cadre de vie, préserver l’environnement et produire durablement
  • Améliorer l’alimentation humaine, préserver la santé des consommateurs et tenir compte des analyses des comportements alimentaires
  • Diversifier les produits et leurs usages, améliorer leur compétitivité et celle des producteurs et des entreprises
  • Adapter les espèces, les pratiques et les systèmes de production à des contextes changeants
  • Eclairer la décision des acteurs publics et privés


Source :www.ssrw.be/home/fr/menu-gauche/ssrw-notre-service-social/organismes-beneficiaires/cra-w-centre-wallon-de-recherche-agronomique.html

Les Tours Saint Guibert

Les Tours Saint Guibert

22/12/2014 14:38 L’histoire de Gembloux est intimement liée à celle de son abbaye fondée selon la tradition en 922,  par le chevalier Wicbertus (Guibert).
  • La  Grande procession de septembre
Le 23 septembre 1110, jour de sa canonisation, son corps fut présenté à la vénération des fidèles. Plusieurs prodiges marquèrent la cérémonie. Ceux qui doutaient encore de sa sainteté aperçurent dans le ciel une croix entourée d’un cercle rayonnant. Le miracle impressionna profondément  le peuple. Et durant plusieurs siècles,  le dernier dimanche de septembre, les Gembloutois en célébrèrent le souvenir. A cette occasion, la châsse contenant  les reliques de Saint-Guibert était solennellement  portée en procession autour de la ville, escortée par le clergé régulier et séculier, le Bailli et ses échevins, les archers du XVe s. et les serments des arbalétriers et des arquebusiers  des XVIe et XVIIIe s., au son des tambours, au bruit des salves, par toute la  population en liesse (1). Comme  le note L. Namèche,  le sentiment religieux n’avait cessé d’être ancré profondément dans l’esprit de la population de la Terre de Gembloux. Les excès des calvinistes et, plus tard, des Gueux au XVIe s, semblent avoir encore avivé chez elle la foi fervente et la dévotion.
Lors du sac de l'abbaye par les Gueux en 1568, le couvent fut pillé. Parmi les décombres qu'ils laissèrent à la suite de leur sac, on recueillit des morceaux de l'antique châsse de saint Guibert, dont les reliques avaient été profanées. Dom Hanquart s'empressa de réparer ce sacrilège: il fit sculpter une nouvelle châsse digne du fondateur de l'abbaye.
L’itinéraire de cette procession était long. Dix kilomètres. Les deux points extrêmes étaient le moulin de Bedauwe et celui de l’Escaille. La ville offrait, suivant une coutume immémoriale, le vin, des biscuits et des «succades» aux prélat, religieux et magistrats pendant les quelques instants de repos que s’accordait le cortège. Le vin et les « succades » de la procession de la dédicace, de même que la poudre des salves, étaient un article ordinaire du budget de la ville. La ville rafraîchissait d’ailleurs la jeunesse de bonne bière, préludant ainsi, après la procession, aux réjouissances profanes de la kermesse. Pendant combien d’années cette célébration festive eut-elle lieu ? Difficile de répondre précisément.
  • Le Tour Saint Guibert
Le  « Tour Saint Guibert » est  une procession nocturne  qui avait lieu le 23 mai, date de la mort de Saint Guibert à l’abbaye de Gorze, en Lorraine, en 962. Les pèlerins refaisaient l’itinéraire de la Grande procession de septembre, s’arrêtant aux chapelles et potales pou ry  réciter des prières et chanter des cantiques (2).
C’est aussi une tradition d’un lointain passé qui avait été abandonnée, écrit l’abbé Joseph Toussaint, sans doute au moment de la suppression du monastère bénédictin en 1796. Mais, à l’occasion des fêtes du millénaire elle fut remise à l’honneur sous le nom de  « Tour Saint Guibert » par l’abbé Camille Sorée (1916-1922) en prélude aux festivités marquant les dix siècles de la fondation de l’abbaye, la date encore admise alors étant 922.
On sortait de l’église le 22 mai à minuit et l’on rentrait vers 4h30 du matin pour la célébration de la messe anniversaire. Le tombeau du saint moine, et plus tard le « Vieux Bon Dieu » qui se trouvait place de l’Aitre, était fleuri d’aubépines cueillies au Buisson Saint Guibert auquel  la tradition orale attribuait une origine miraculeuse. Passant par l’actuel quartier de l’Agasse en 957, Guibert aurait enfoncé dans le sol son bâton qui se serait mis à fleurir d’aubépines. Depuis  cette date, le prodige se renouvelait chaque année. Malheureusement, en 1934, des vandales dynamitèrent l’arbuste peu avant le passage de la procession.
L’itinéraire de ce Tour était le suivant : en sortant de l’église, on montait la Grand-Rue, il y avait un premier arrêt place Saint-Guibert, près de la pompe communale (aujourd’hui disparue) surmontée de la statue du Saint, ensuite, on se dirigeait vers la Chapelle-Dieu.  Aujourd’hui, on gagne la place Saint Guibert par la rue du Huit mai et la rue Gustave Docq, dénommée autrefois rue des Remparts. Dans cette rue se trouve la Chapelle N.-D. du Rempart édifiée en 1852.
De la Chapelle-Dieu, élevée en mémoire de la bataille de 1578, par la rue de Mazy  on arrive à la cité Tous vents et sa jolie Chapelle N.-D. des Enfants. Par les rues  Chapelle Moureau , de la Rochette, de la Treille, de  Bedauwe,  la place Séverin, on aborde, pour un arrêt plus long, l’église Sainte Thérèse à Grand-Manil.  Les pèlerins poursuivent alors par les rues du Paradis, des Résistants (N.-D. de Fontenelle), av. Général Mellier, pour arriver à la Chapelle N.-D. de Moha. Ensuite, av. Moine Olbert, rue Buisson Saint Guibert avec, bien sûr, un arrêt à la potale rappelant le légendaire buisson (3). Le cortège gagne alors la chapelle Marion, la rue Hambursin,  pour redescendre vers la place de l’Orneau pour une dernière halte au début de la rue Notre Dame où une petite potale remplace une autre autrefois plus grande et qui abritait la belle statue de la Vierge aux Raisins conservée aujourd’hui dans l’église décanale.
En 1992, pour le onzième centenaire de la naissance de Wicbertus – Guibert,  la tradition fut reprise lors des fêtes de Wallonie qui, au point de vue date correspondent avec celle de la séculaire ducasse de Gembloux. Par consensus entre les autorités civile et religieuse, ce Tour festif et folklorique a lieu à présent tous les trois ans.

Sources :
  1. La Ville et le Comté de Gembloux par Léon Namèche. Ed. Duculot 1964
  2. Légendes et coutumes du pays de Namur par Félix Rousseau  -  1920
  3. Le vieux chemin de la chapelle de Moha vers l’Escaille s’appelait  «le baty  del  procession Saint Guibert ». cf. L. Namèche faisant référence à un acte du 19 novembre 1543. Avant la création du chemin de fer, il menait directement à l’Escaille en suivant le ruisseau du Rabaudy .Ce chemin a conservé le nom de « Buisson Saint Guibert ».
         L’Orneau du 23 mai 1996 – n° 21  (s) Jean Louis
Suiv. r/c/a 08/2019

Sources :
  1. La Ville et le Comté de Gembloux par Léon Namèche. Ed. Duculot 1964
  2. Légendes et coutumes du pays de Namur par Félix Rousseau  -  1920
  3. Le vieux chemin de la chapelle de Moha vers l’Escaille s’appelait  «le baty  del  procession Saint Guibert ». cf. L. Namèche faisant référence à un acte du 19 novembre 1543. Avant la création du chemin de fer, il menait directement à l’Escaille en suivant le ruisseau du Rabaudy .Ce chemin a conservé le nom de « Buisson Saint Guibert ».
         L’Orneau du 23 mai 1996 – n° 21  (s) Jean Louis
Suiv. r/a  8/2019

La châsse reliquaire de Saint Guibert. En cuivre, réalisée par les frères Dehin de Liège sous le pastorat du doyen Alexandre Otte (1871-1879).


vendredi 7 août 2015

William Cliff : portrait



William Cliff, un poète à part




Crédit photo : couverture du périodique "Le Carnet et les Instants" n° 183  - oct./nov. 2014


De son vrai nom André Imberechts, William Cliff est né à Gembloux le 27 décembre 1940.
Quatrième enfant d’une fratrie de neuf, il ne sera pas médecin comme son père mais se fera très vite un nom dans la poésie et les lettres.

Il est l’un des plus beaux poètes belges. Son talent est reconnu en  France où le prix Goncourt de la Poésie vient tout juste de lui être décerné, après de nombreux autres non moins prestigieux.
Ecole primaire à Gembloux. Puis au pensionnat, au collège de la Hulle à Profondeville.
Il étudie ensuite la philologie romane à l’UCL. Pour sujet de mémoire de licence il choisit le poète catalan Gabriel Ferrater qu’il rencontre et traduit en français. Son  influence sera décisive pour le jeune homme.

Ses poèmes sont rapidement remarqués par Raymond Queneau qui lui demande un livre pour les éditions Gallimard. Homo sum est publié en 1973. Ce fut immédiatement la consécration pour ce poète écorché vif, désespéré et romantique que l’on compare à Baudelaire, à Verlaine et à Rimbaud.
Cliff assume et revendique son homosexualité et nombre de ses poèmes sont inspirés de ses aventures charnelles, réelles ou fantasmées. Il fut, un temps, proche de Conrad Detrez. Son ami, son contraire.

William Cliff enseignera quelques temps le français, au gré des désignations de l’Etat.
Ironique, cinglant, mordant, cynique, provoquant, pitoyable et émouvant ;  il exprime une certaine nausée existentielle moderne.  Son vocabulaire est parfois cru et ses images dures.

« Vagabond livré à lui-même parce que rejeté par tous  - né pour être damné -  qui pressent que ses désirs aussi l’excluent, puisque seuls les autres garçons l’émeuvent » : c’est en ces termes que le décrit l’écrivain, critique littéraire et dramaturge Jacques De Decker. Lui aussi qui écrivait dans « le Soir » du 21/06/2000 : « Il n’est pas du goût de tout le monde que, loin au-delà de nos frontières, la belgitude poétique soit d’abord représentée par cet incorrigible non-aligné que, dans le climat de retour aux convenances académiques auquel nous assistons,  les ouvrages officiels abordent strictement sous l’angle anecdotique :  les bien-pensants ne s’accommoderont jamais – et ce n’est pas étonnant - de ce vagabond contemporain qu’on ne verra jamais rallier aucun confort intellectuel ».
Le commentaire d’Alberte Spinette , in Alphabet des Lettres belges de Langue française illustre on ne peut mieux cette analyse : « Ce raton laveur du lyrisme national préfère la saleté miséreuse du Quartier Nord et des cinés pornos (sans jamais y croire) aux lieux et cafés littéraires (sans les éviter systématiquement) ».

William Cliff habitera un temps à Bruxelles, Rue Marché au Charbon, dans une mansarde sous les toits. Mais il voyage beaucoup.
Au cours de ses nombreux voyages, en Europe, en Asie, en Amérique, William Cliff se comporte en reporter inspiré. Pas un cliché dans ses choses vues à Göteborg, à Kharkov, au Caire ou à Montevideo : seulement à chaque fois le constat de l’humaine misère.
Adepte du parler vrai, il revendique un langage simple et direct. Ni symbole ni parabole, ni illumination ni démiurgie, mais l’évocation du plus urgent, le plus réel, du plus brutal : manger, dormir, boire, désirer. Une poésie qui racle l’âme, faite d’expériences sensibles, d’épreuves et de circonstances ponctuelles. L’espoir, la détresse ; la beauté, la laideur ; la rencontre, la solitude. Un monde où le sourire est rare, où, armé de ses seuls sens, un homme tente le plus souvent de survivre que de vivre. Cliff a fait le choix d’une certaine marginalité, parce qu’il préfère le provisoire au définitif ; le nomadisme à l’embourgeoisement.

L’homme a rejoint Gembloux, sa terre natale. Pas sûr qu’il y pose définitivement son sac. Le vagabond est toujours aux aguets. Il ne s’incruste nulle part. Et le monde est si vaste. Et, comme il l’écrit dans sa nouvelle « Rue Fonsny » : » …ici, cela ne vaut pas la peine de rester n’est-ce pas ? Ici on ne fait que passer, là-bas est la vraie vie, celle qui mérite qu’on la vive, car ici on n’a pas les moyens, ici on ne vit qu’en regardant les trains passer et s’éloigner à jamais loin d’ici ».





Sources
Le Matricule des Anges – Richard Blin
« Le Soir » – Jacques De Decker
Voix d’auteurs – William Cliff
Poètes de l’espace Wallonie - Bruxelles
http://fr.wikipedia.org/wiki/William_Cliff
Bruxelles littéraire (éd. Pré aux Sources) 1987

Portrait de W. Cliff (août 1982) - archives SONUMA
http://www.sonuma.be/archive/william-cliff-po%C3%A8te 

Fernand Séverin : portrait




Fernand Séverin



Se situant entre le symbolisme et le Parnasse, entre la Wallonie de son ami Albert Mockel et la Jeune Belgique (parnassienne et naturaliste), Fernand Séverin est un poète authentique.
Il est né à Grand-Manil  (commune fusionnée avec Gembloux en 1965), à la ferme de Penteville, le 4 février 1867 « dans une région , a dit Hubert Krains, où la Hesbaye commence à se dépouiller de sa grandeur austère pour revêtir le charme pittoresque de la campagne brabançonne ». Il devait se souvenir de son pays natal et de impressions que les larges horizons lui avaient laissées.
Enfant sérieux, trop tôt privé, par la mort, de l’amour maternel, il devait garder toute sa vie ce regard mélancolique et cet air taciturne qui  ont empreint son visage.

Ses études débutèrent en Allemagne, puis à Namur, au Collège Notre-Dame de la Paix avant d’achever ses classes moyennes à l’Athénée Royal de Bruxelles. Après des  études de philosophie et lettres à l’U.L.B., il enseigne à Virton , et à  Louvain (1896). Il est nommé en 1907 à la chaire d’histoire de la littérature française de l’Université de Gand.

C’est à Gand qu’il mourra le 4 septembre 1931 au terme d’une vie méditative, consacrée aux arts, à sa famille et surtout à la poésie.

Les titres de ses recueils sont significatifs des thèmes qui l’inspirent : « Le Lys », « Le Don d’Enfance », « Un chant dans l’Ombre », « Poèmes Ingénus », « La Source au fond des bois »,… Animé d’un désir constant d’intériorité, de pureté, la nature lui sera toujours un refuge.
Fernand Séverin possède ce sens du mystère qui rêgne en nous et autour de nous, essence même du symbolisme, mais se refuse à désarticuler le vers et la syntaxe à l’instar de ses grands contemporains, Rodenbach, Verhaeren, Van Lerberghe, Maeterlinck.
Se tenant à l’écart de tous mouvements littéraires, il a pu préserver son originalité.


Hommages locaux au poète

 Le 13 septembre 1953, son village natal de Grand-Manil donna le nom de Fernand Séverin à la route reliant la chaussée de Charleroi à la ferme de Penteville (*). On profita de l’occasion pour inaugurer deux plaques commémoratives : la première sur la ferme natale, la seconde sur le mur de l’école où le poète avait été en pension chez l’instituteur Denis Sacré. La veuve et le fils et la belle-fille de l’écrivain assistaient à la cérémonie.

Au cours de celle-ci, le bourgmestre (1948-1964) Emile Somville déclara notamment : « Le rôle de l’administration communale n’est pas seulement de créer ou d’améliorer des routes, mais aussi – et le cas est trop rare pou ne pas en profiter – de perfectionner l’éducation des foules et de promouvoir dans leur sein le goût du noble et du beau. Au dessus de notre petite vie, de nos mesquineries quotidiennes, Grand-Manil aura, aujourd’hui, respiré l’air des sommets ».
(*) Cette rue se nomme à présent rue des Résistants mais la place de Grand-Manil porte aujourd’hui son nom.


Le timbre spécial Fernand Séverin, réalisé par le fils du poète, Marc Séverin, né en 1906, fut émis à l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort du poète. La prévente se déroula les 7 et 8 novembre 1981 à Gembloux.
 La ferme de Penteville, maison natale de F. Séverin


Hommage de Grand-Manil au poète. Plaque commémorative Place Séverin.




Sources :
-« 150 ans de poésie française en Belgique » de Robert Delieu (V.A. 15/03/1980)
- Fernand SEVERIN par Henri Liebrecht in «  Les lettres françaises en Belgique » La Renaissance du Livre (1958)
- André Dulière : Les nouveaux « Fantômes des rues de Namur ».



Haroun Tazieff : portrait

                                                                                          

Haroun Tazieff, un peu gembloutois

 

Tout le monde connaît Haroun Tazieff. Il fut aux volcans ce que Paul-Emile Victor fut aux pôles et ce que Jacques-Yves Cousteau fut aux océans.
 Haroun Tazieff a eu 5 nationalités. Il fut successivement  Russe, Polonais, Apatride, Belge et puis Français. Mais il était aussi un peu gembloutois.

Des origines russo-polonaise

Haroun Tazieff est né le 11 mai 1914 à Varsovie. Son père, un médecin russe,  est appelé à la guerre et  tué rapidement. Sa mère, polonaise, chimiste, sociologue, philosophe, peintre et « passionaria » de la révolution russe l’emmène à Petrograd,  à Tiflis et émigre finalement à Bruxelles en 1921. Il est élevé par sa mère, militante communiste convaincue et par son « plus que père », le romancier et poète Robert Vivier. Sa scolarité débute dans un athénée à Bruxelles .

Un étudiant sportif, contestataire et turbulent

C’est ainsi qu’il se définissait lui-même.
En 1932, Haroun Tazieff s’inscrit à l’institut agronomique de Gembloux pour décrocher le grade d’ingénieur agronome, spécialité coloniale, le 29/10/1938. Au cours des 6 années qu’il passera à Gembloux, il se fera des amis, comme Emile Lacroix, qui sera Ministre et ensuite Gouverneur de la province de Namur. Sportif aussi Haroun Tazieff : il pratique la boxe dans une salle à l’étage du « Grand Salon », un café qui se situait rue des Abbés comte, aujourd’hui  le parking de l’église. C’est là, où se déroulaient parfois des matches de boxe, qu’il suit assidument les cours donnés par Henry Chantraine du boxing club gembloutois . Haroun Tazieff confiera plus tard dans sa biographie qu’il fut à deux doigts de représenter la Belgique aux J.O. de Berlin en 1936. Mais sa mère le lui défendit…  Il pratiqua aussi l’alpinisme, le rugby et la plongée.
Le jeune homme aime aussi la guindaille. Il participe activement à une action qui va choquer les gembloutois pieux:  le dynamitage du « Buisson Saint Guibert », peu avant le passage de la procession, en mai 1934.
En 1938, il poursuit ses études à Liège, à l’école des Mines de l’université. C’est ainsi qu’il découvre la géologie.
 Il acquiert la nationalité belge en 1939 et intègre la Cie école des Chasseurs ardennais, rue de Fer à Namur. Il fera la campagne des 18 jours au 2e Rgt des Ch.A . Blessé, fait prisonnier par les allemands, il s’évade et, comme beaucoup de jeunes militants communistes, il entre dans la clandestinité et la résistance. Le réseau auquel il appartient, les Partisans Armés du Front de l’Indépendance, lui demande de rejoindre le groupe Liège-Seraing. En sa qualité d’ingénieur, il s’occupera de sabotages de voies ferrées et de lignes électriques. Une mission qu’il poursuivra jusqu’en juin 1944.



 

Le Congo et le coup de foudre pour les volcans

La paix revenue, il est engagé par une société qui l’envoie au Katanga comme prospecteur de gisements d’étain. Il se fait rapidement engager par le service géologique du Congo belge pour cartographier la région du Kivu. En 1948, il se trouve sur les lèvres du cratère du volcan Kituro lorsque se produit une éruption. A 34 ans, sa vie bascule : il sera volcanologue.
Il n’aura pas son pareil pour faire partager avec le grand public sa passion des volcans. Inlassablement il va vulgariser cette discipline jusqu’alors méconnue. 23 livres, de nombreuses conférences, 6 films,  des photographies : il ne néglige pas ses efforts pour faire partager son émotion face à la beauté d’une éruption volcanique : « Pour en restituer la beauté, il faudrait être un Van Gogh ! » disait-il.  Jean Cocteau l’avait surnommé  « le poète du feu » .

Politique et déceptions

Au milieu des années 60, Haroun Tazieff, marié à une Française, et déçu par la Belgique qui, estimait-il, n’avait pas suffisamment reconnu ses engagements courageux durant la guerre, opte pour la nationalité française.  Expert de L’Unesco, il enseigne à Paris et à Bruxelles avant d’être nommé directeur de recherches au CNRS.
Bientôt, son engagement à gauche l’amène tout naturellement à exercer des fonctions politiques où il pense servir les causes qu'il défend, comme la protection de la nature et la défense de l’environnement. Il deviendra conseiller du Président Mitterrand, puis maire de Mirmande, une petite commune de 418 habitants dans la Drôme  et enfin, secrétaire d’Etat à la Prévention des risques majeurs de 1984 à 1986. Souvent critiqué, disposant de moyens dérisoires, parfois intransigeant, il claque la porte et déclare : « Les cabinets ministériels me sont odieux et je suis heureux de quitter mon poste de ministre-gadget ».  Il fera pourtant un retour en politique  en entrant au Conseil général de l’Isère en 1988 à la demande du maire de Grenoble et Ministre de l' Environnement Alain Carignon dont il devient conseiller à la Sécurité collective. Il fondera ensuite avec Brice Lalonde le parti Génération écologie dont il s’éloignera finalement tout en restant un ardent défenseur de l’environnement.

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Haroun Tazieff  s’est éteint à Paris le 5 février 1998 à l’âge de 83 ans.
Le Président Jacques Chirac  lui a rendu ainsi hommage : « l’un des grands aventuriers  de ce siècle, l’un de ceux qui servent une passion autant qu’ils illustrent une discipline ».

Entre Haroun Tazieff et Gembloux, c’est une longue histoire d’amitié qui se fermait. Il aimait, en toute simplicité, revenir dans la localité où, pour les ainés, il a laissé des souvenirs d’un étudiant participant pleinement à la vie locale. Le bourgmestre Dominique Notte soulignait justement à l’occasion de son décès qu’il avait contribué au renom de la ville de Gembloux à travers le monde.
Il avait été nommé docteur honoris causa de la Faculté le 5 mai 1982.




Sources :
Haroun Tazieff, une histoire belge  DH du 11/05/2014 (s) Eddy Przybylski
Le Soir du 6/8/1998 (s) Jacques Cordy
V.A. du 6/8/1998 (s) Yves Vander Cruysen

Liens utiles:
Archives SONUMA -Haroun Tazieff, docteur honoris causa (05/1982)
http://www.sonuma.be/archive/haroun-tazieff-docteur-honoris-causa

Paul M.G. Lévy : portrait




Paul M.G. Lévy


Né à Ixelles le 27 novembre 1910 d’une maman gantoise et d’un papa originaire de Brumath en Alsace, Paul M.G. Lévy avait épousé Simone Joniaux (1911-2001) en 1935. Père de trois enfants, il s’était installé à  Gembloux en  1976 où il fut fait citoyen d’honneur et où un square porte son nom.
Il est décédé à Sainte-Ode le 16 août 2002.

Ingénieur commercial, licencié en sciences économiques , il fut surtout une des figures les plus emblématiques de la résistance  durant le seconde guerre mondiale.
Dans les années trente, il était l’une des voix les plus populaires de l’INR, l’ancêtre de la RTBF, où il brilla dans de nombreux reportages, notamment lors des funérailles de la reine Astrid en 1935, avec Théo Fleischmann.

Refusant de collaborer à une radio inféodée à l’occupant, Il fut arrêté par la Gestapo et incarcéré à Saint-Gilles puis à Breendonk ou il subit de tels sévices que la radio de Londres annonça son décès. Finalement libéré le 20 /11/1941 par les Nazis qui entendaient ainsi démontrer que les alliés se trompaient, il gagna l’Angleterre le 21/04/1942 où il sera nommé attaché au ministre belge de la justice en exil, Antoine Delfosse, et s’occupera des perspectives de l’après-guerre. Lévy parlera sur les ondes de la BBC à destination de la Belgique occupée.  Entretemps, il avait jeté les bases du réseau Samoyède, un réseau de résistants qui devait préparer la remise en route de la radio après la défaite des Nazis. Un fameux défi qu’il releva à merveille puisque dès les premiers jours des septembre 44, la radio nationale avait repris ses émissions.

Au lendemain du conflit il se mua en correspondant de guerre, participant à la libération de Dachau avant d’entrer dans Berlin comme premier journaliste occidental.
La politisation de la radio l’amena à postuler au Conseil de l’Europe à Strasbourg . Il y devint directeur de l’information , ne ménageant pas ses efforts pour promouvoir l’idée européenne. Professeur à l’Université de Strasbourg, sa carrière académique se poursuivit à Louvain où il enseigna le journalisme mais aussi la sociologie de la guerre et de la paix.

Jusqu'à son dernier souffle, il mit son expérience d’ « honnête homme »  au service de nombreuses causes, comme le devoir de mémoire et la promotion d’un monde plus juste et plus fraternel où les barrières religieuses et philosophiques seraient abolies.

Nommé grand officier de l’ordre de Léopold en 1999, Paul M.G. Lévy avait été nommé baron par le roi Albert II.


Sources :https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Michel_Gabriel_L%C3%A9vy
               Le Soir du 17/08/2002 (s) Christian Laporte. Photo Jean Wouters.













Emile Alomaine : portrait




Emile Alomaine: un alerte nonagénaire


Emile Alomaine est un personnage emblématique de la ville de Gembloux.
C’est d’abord un sportif de renommée internationale. Mais aussi une personnalité hors du commun. A bientôt 90 ans, il conserve une forme exceptionnelle. Et sa lucidité sur le monde sportif et la vie de ses contemporains interpelle.(Photo 1).

Cadet d’une famille de 8 enfants (5 garçons et 3 filles), Emile est né rue des Oies. Dès l’âge de 4 ans, il entre au Royal Essor de gymnastique. Tout comme ses frères. Il se distingue, et bien vite suivra les cours de la Fédération belge de gymnastique,  les cours d’éducation physique de la Province et sera diplômé. Le voilà enseignant  et, pourtant, il opte pour une carrière bancaire à la BBl durant plus de 30 ans. En même temps, il reste actif à l’Essor: moniteur et puis directeur.
Durant la période « Essor » il pratique le foot: gardien de but de l’équipe première durant un an  (1ère provinciale).
Il se tourne ensuite vers l’athlétisme, pratiquant le cross-country. Il participe au tour de Spa avec Zatopek, plusieurs fois à Hannut et sera plusieurs fois champion de la province avec son club de Gembloux. Il participe également à pas moins de 25 cross organisés par le journal « Le Soir ».
Du cross il passe à la marche, tentant avec succès les 100 km de Bruxelles-Liège organisé par Gaston Reiff, les 20 km de Hollande, la marche des centurions en Angleterre, les 6 heures de Perpignan, les 200 km de Narbonne (4 victoires)….

En 1970, il se décide à passer les tests éliminatoires en vue de participer au mythique  Paris- Strasbourg, les réussit et se lance dans l’aventure: plus de  500 km à pied. D’abord avec  des moyens peu appropriés au point de vue matériel et équipe ; et puis, avec des moyens plus adéquats, il réalisera les exploits qui firent sa renommée:  8  participations, deux fois 2e. (1)
Ensuite, avec son épouse Irène, kiné, logopède et excellente sportive également, il s’occupe de pongisme. Il sera dirigeant de la fédération de tennis de table de Namur (F.R.B.T.T.). Il pratiquera aussi  le vélo et la marche hors compétition.(Photo 2).

Sa conception du sport et de la compétition est très saine. Il s’insurge contre le dopage qui pourrit ce monde. Contre l’argent, aussi, qui corrompt tout, et la politique qui s’insinue et s’incruste. L’ascète qu’il est ne supporte pas les compromissions. C’est tout en simplicité qu’il exprime sa devise : « Un sport sain pour un capital santé ».

Une anecdote situe bien le personnage: en été 1944, les alliés progressent et l’occupant est nerveux. Le 21 juillet - Gembloux étant  toujours occupé - il déploie publiquement, en plein jour, le drapeau national qui avait été enlevé par les autorités communales sur ordre des allemands, sur le monument aux Morts de la place Saint-Jean. (Photo 3).

Emile Alomaine a toujours vécu à Gembloux. Un temps mandataire communal, il remplit cette fonction dix-huit ans d’une manière franche et pour le dire, assez peu conforme aux habitudes politiciennes. Son action et son dévouement furent là aussi très appréciés.

Aujourd’hui, Emile reste très actif. Toujours soucieux d’une vie saine, il s’astreint encore quotidiennement  à de la musculation et du vélo d’intérieur.

Il a fêté son nonantième anniversaire le 2 février 2015. Compliments Monsieur Alomaine.
Et excellente continuation.


Photo extraite de la revue Confluent - n° 66 - avril 1978 (photo Guy Sadet).





Emile Alomaine - 2014



Photo La Meuse (V.C.)   6 janvier 2015
Emile(90) et Irène (83).





Photo: bulletin du CRAH - n° 43,année 1992 pp. 696 et 697 - Lt.-Col (H) Raoul François

Sources :

  1. Les diables de Wallonie dans l’enfer de Paris-Strasbourg, un reportage de Patrice Pascal et Michel  Wanet  (Le Soir 15-6-1976).                                                                                                        
V.A. du 26/08/1999 (s) J.B.
V.A. du 19/02/2004 (s) J.B.
V.A. du 17/07/2008 (s) Jacques Bourguignon

André Hénin : portrait



André Hénin


Poète, conteur et écrivain wallon, André Hénin était membre des Rèlïs Namurwès et de la société de langue et de littérature wallonne de Liège. Il était citoyen d’honneur de la ville de Gembloux.

André Hénin est né à Han-sur-Lesse  le 14 janvier 1924. Après ses  humanités au séminaire de Floreffe, puis des études de philosophie et de théologie,  il est ordonné prêtre à Namur  le 31/07/1949.
Il poursuit alors des études de romanes à Louvain, puis enseigne le français à Floreffe durant 11 ans.
En 1962, il est nommé aumônier des étudiants à Louvain et vicaire à la paroisse universitaire. En 1969, il devient principal du lycée Virgo Sapiens,  le dernier collège francophone en  Flandre.
En 1972, l’abbé Hénin est nommé doyen à Gembloux, fonction qu’il exercera  19 ans,  jusqu’ à sa retraite, en décembre 1991.

A son arrivée à Gembloux,  il se lie d’amitié avec l’auteur wallon, Lucien Somme. Celui-ci  lui propose de célébrer une messe en wallon à l’occasion des fêtes de wallonie. Ce qu’il fit avec brio. Ecrire en wallon devint vite pour lui un moyen d’expression extraordinaire. Il publia de nombreux recueils  et obtint de nombreux prix et récompenses (prix Calozet, prix Michaux, prix biennal de littérature wallonne,…).

André Hénin s’est éteint à Namur le 6 décembre 1993. Discret et réservé, il savait se montrer jovial et plein d’humour. Homme de tolérance et de sagesse, il était aussi soucieux des plus démunis et des souffrants.


Source : V.A. du 7/12/1993 (s) Jean-François Pacco



Andrée Sodenkamp : portrait


Portrait

 

Andrée Sodenkamp


François Nourrissier déclarait qu’elle était la plus grande poétesse belge de langue française.
Elle figure dans près de 70 anthologies de tous pays, dont celle de Giovanni « les plus beaux poèmes d’amour », dans le livre de Régine Deforges  « poèmes de femmes », dans le Larousse des littératures...
Née le 18/06/1906 à Ixelles, orpheline dès 6 ans, elle s’est structurée dans l’enseignement puis dans l’écriture. A l’âge de 30 ans elle est affectée comme régente littéraire à l’athénée royal de Gembloux, métier qu’elle exercera 23 ans tout en poursuivant l’écriture de textes récompensés de nombreux prix et qui font l’admiration des plus grands. En 1959, elle change de métier et devient inspectrice des bibliothèques, insuflant un essor remarquable aux bibliothèques  de la Communauté française.
Entrée en poésie vers la cinquantaine, elle atteint quasi d’emblée la maîtrise.
Elle décède le 27/01/2004.  Anne-Marie Derèse, son amie,  poétesse gembloutoise qui doit son envol  en poésie grâce à celle qu’elle qualifie de guide lui rend hommage en ces termes : « L’amour pour Sodenkamp est une grande vague chaude qui la porte jusqu’aux confins de l’incommensurable et continuera à la porter quand elle aura franchi le dernier seuil. Une vague qu’elle transmet par le chant des mots, la volupté des gestes, l’insolence du regard, l’humour des couleurs, les plis profonds des manteaux des rois, la gisante qui garde dans le mouvement de sa robe de marbre des souvenirs  d’extase ».
Ses cendres reposent au cimetière de Gembloux auprès de son époux, Camille Libotte.
Elle était citoyenne d’honneur de la ville de Gembloux, Officier de l’ordre de Léopold II et Officier de l’ordre de la Couronne. La bibliothèque communale de Gembloux porte son nom.


Source et photo: V.A. 30/01/2004 (s) J.B









La saga Mélotte

Un passé industriel prestigieux



La Saga Mélotte

Jules Mélotte naquit en 1858 à Remicourt, petit village hesbignon entre Waremme et Liège. Il est issu d’une famille d’artisans dont le destin était lié à l’expansion du monde agricole qui pesait alors très lourd dans l’économie belge.
Curieux et inventif, Jules Mélotte imagine et réalise ses premiers projets dans l’atelier paternel. A 30 ans, il met au point une écrémeuse mécanique révolutionnaire qu’il fait breveter le 23/06/1888. Cette invention lui vaut le Prix du Progrès au Grand Concours international de Bruxelles. L’argent ainsi recueilli lui permet de lancer la production. Deux ans plus tard, une trentaine d’ouvriers sont à l’œuvre pour répondre à la demande qui explose. Très vite, le vieil atelier familial ne suffit plus. A la tête de son entreprise florissante, Jules Mélotte adopte le système américain et ses méthodes d’organisation novatrices. Il crée une usine d’avant-garde conçue en fonction d’un seul produit à fabriquer: l’écrémeuse. La production traditionnelle, spécialement celle des charrues, est transférée à Gembloux et prise en charge avec succès par son frère Alfred. A Remicourt, les résultats sont vertigineux: on passe de 13 machines à 25.000 unités par an. L’écrémeuse Mélotte est portée au plus haut point de sa perfection technique. Elle se vend non seulement en Belgique et en France, mais dans le monde entier: Afrique, Asie, Océanie et jusqu’aux Etats-Unis. Jules Mélotte meurt en 1919. Son écrémeuse lui survivra pendant un demi-siècle.
C’est donc en 1891 qu’Alfred Mélotte (1855-1943) s’installe à Gembloux. Il rachète les ateliers Pierquin, importateurs de matériel agricole,  pour se consacrer à la production de charrues, mises au point à l’atelier de Remicourt, et d’autres outils aratoires : bineuses, semoirs, herses, arracheuses de pommes de terre, moulins à farine…
Le  choix de cette implantation n’est pas le fruit du hasard. La présence de l’Institut agronomique qui jouissait déjà d’une réputation internationale fut déterminant. Tout autant que la situation géographique propice à la production agricole avec ses terres des plus fertiles du pays.
Au début, l’entreprise occupe une dizaine d’ouvriers. En 1894, l’équipe compte 19 ouvriers. Un rapport daté de 1904 et réalisé par un étudiant de L’Institut de sociologie de L’Ulb nous apprend que les ouvriers travaillaient 11 heures par jour et qu’à la forge certains hommes gagnaient 10 frs par jour (ce qui est beaucoup puisqu’à la même époque un instituteur gagne 5 frs par jour, un mineur de fond 4,2 frs et un ouvrier agricole 1,96 frs..). Il ajoute qu’il n’y a pas un seul ivrogne parmi les hommes de l’usine! Figure emblématique de la construction mécanique agricole, Alfred Mélotte améliore sans cesse son invention originale. De 1901 à 1929, il prit à son nom plus de 20 brevets de perfectionnement des charrues qu’il fabriquait.
 En 1935, l’usine Mélotte de Gembloux, la plus importante de la ville, occupait quelque 600 ouvriers. Des milliers de charrues sont sorties de cet atelier, dont la charrue réversible  à double soc, dite  «Brabant double », qui fit sa réputation et se répandit rapidement sur les marchés étrangers, notamment grâce aux contacts avec les diplômés étrangers de l’Institut agronomique voisin. La dernière fut une quadrisoc semi porté qui ne fut produite qu’à 7 exemplaires.    Après 1945, la production diminua et l’emploi se restreint à 223 personnes en 1968.
En 1976, la s.a. Charrues Mélotte est passée sous tutelle du groupe britannique Lucas Industries spécialisé dans l’équipement pour l’automobile. En quinze ans, un investissement de 800 millions de frs fut consenti par la maison-mère à Eurofonderie pour produire des pièces brutes pour freins de voitures. Malgré un carnet de commande bien rempli, l’usine ferma ses portes en octobre 1994 pour sous-traiter la production dans des pays à bas salaires. Elle occupait alors 255 travailleurs.
En 1989, la « Nouvelle Société Charrues Mélotte » poursuit des activités de commercialisation de matériel agricole importé avec un personnel réduit à 19 ouvriers et 14 employés. Cette société détenait la représentation des tracteurs Renault.
En 1995, « Mélotte Industry », sous l’impulsion de son administrateur-délégué  Michel Descampe (petit-fils d’Alfred Mélotte), tente de diversifier l’activité en exploitant une nouvelle niche à connotation environnementale. Il pressentit que le traitement des déchets allait subir de profondes mutations. Avec l’expérience acquise dans le domaine industriel, il s’est orienté dans le créneau des presses industrielles pour le compactage des déchets (métaux, frigolite, déchets ménagers de collectivités etc.). Une gamme de 70 modèles différents fut développée sur le même principe : augmentation de la densité et réduction du volume final. Cette technologie permet par exemple de ramener à 2,6 m3 le volume d’un conteneur de 30 m3.

Sources :
 Le Soir du 30-12-1997 (s) Eric Meuwissen
 Alfred Mélotte : inventeur de charrues   (Ecomusée de la région du Viroin -1997). Claire Billen, Jean-Jacques Van Mol, Jean-Jacques Heirwegh.
Publi-Gembloux n° 1021 (s) D.L.
Photos : Gembloux, ma ville, mon village   CRAHG 1999



 Foire commerciale de Bruxelles, avril 1921


 Les deux photos suivantes sont une contribution de Pierre Fourneau, par l'intermédiaire de Jean-Marc Gilles. Je les en remercie amicalement.

Pavillon Mélotte à l' Exposition Universelle de Liège en 1905. Sept millions de visiteurs ont vu  cette exposition organisée pour l'année du 75e anniversaire de l'Indépendance du Pays.

Pavillon Mélotte à l'Exposition Universelle et internationale de Bruxelles en 1910.
Cet événement s'est déroulé du 23 avril au 1er novembre 1910.



Je vous invite à découvrir et à aimer la page facebook de la photographe MauDe Pix
qui a réalisé un excellent reportage photographique à propos du site industriel abandonné
et depuis peu en voie de reconversion.
Je la remercie pour son aimable autorisation de pouvoir le mentionner ici.

https://www.facebook.com/MauDePix/


jeudi 6 août 2015

Jo Lemaire : portrait


Jo Lemaire


Jo  Lemaire : une wallonne exubérante qui a fait son nid en Flandre.
         
Josiane (Jo) Lemaire est née à Gembloux le 5 janvier 1956.
Son papa, Gaston, fut le dernier secrétaire communal de Mazy avant la fusion des communes.

Seventies à Gembloux
Son aventure musicale débute avec Philippe Depireux, alors batteur  du  groupe Ablaze qui était à la recherche d’une chanteuse. Il propose une certaine Josiane Lemaire, dite Jo.  Ablaze fera une soixantaine de concerts et sortira deux 45 tours (dont Just like a rainbow), des compositions de Ph. Depireux.
Après deux ans, une certaine mésentente s’installe au sein du groupe et le tandem Depireux / Lemaire va créer – en 1977 - son propre groupe : Jo Lemaire+Flouze.  Dans les  semaines qui suivent sort un 45 tours  autoproduit intitulé Thief for ever, avec en face B  Hurry up washing up, enregistré dans un studio de La Louvière et pressé à 1.000 exemplaires. Le verso de la pochette mentionne l’adresse du couple : rue du Bois, 10 à Gembloux. L’accueil de cet opus est très favorable et la critique élogieuse.
Le Flouze comprend deux autres musiciens : Bernard (Ben) Sokay et un saxophoniste éphémère, Jean-Luc Albert. Les paroles étaient signées Michel Gelinne,  qui allait écrire les premiers textes du groupe avant que Jo elle-même prenne la relève.
En 1978, encouragés par le succès de Thief  for ever, Jo Lemaire et Philippe Depireux décident de sortir un nouveau 45 tours : Stakhanov (photo). Premier concert aussi, avec une quinzaine de titres, à la Maison internationale de Gembloux : une réussite.        La composition du groupe est alors la suivante : les frères Bortolin, Giovanni (saxo) et Attilio (guitare et clarinette), Daniel François (guitariste), Marc Santkin à la basse, et  bien sûr Philippe Depireux à la batterie. La fraîcheur, l’humour et le punch du groupe, les inflexions vocales de la chanteuse, le côté ludique de la clarinette mêlée au saxo : c’est un succès dans la mouvance  du New Wave. Ce second single, toujours autoproduit, se vendra à 2.000 exemplaires.

Dans la cour des grands
Un troisième single, Follow me in the air, produit sous le label Vertigo,  se vendra à 6.000 exemplaires. En 1979, ce sera la sortie d’un premier album (12 titres) qui s’appelle  Jo Lemaire+Flouze, et puis d’un second, Precious time, en 1980, qui ne rencontre pas le succès espéré. Le groupe part alors pour une longue tournée en France. A cette époque son cachet est de 60.000 francs par concert. Mais le succès se tasse, jusqu’à la reprise de Je suis venue te dire que je m’en vais et la rencontre avec Serge Gainsbourg en 1981. Le  45 tours cartonne : 250.000 exemplaires vendus en France et au Benelux !  Le courant passait très bien avec Serge Gainsbourg qui proposa d’écrire pour le groupe. Mais une rupture sentimentale intervint entre Jo et Philippe. Et la chanteuse rechigna à  poursuivre sa collaboration avec Gainsbourg, préférant sa liberté. Le groupe fonctionnera encore un an avant sa dissolution en 1982.

                                                                                                                                          
Philippe Depireux se tournera alors vers la photographie, une autre corde de son arc.

Une belle carrière en solo
Après son divorce, Jo Lemaire s’installe à Bilzen (Limbourg) avec son nouveau compagnon.  Sa carrière se poursuit alors en solo avec des hauts et des bas. Grâce à son multilinguisme elle compte de nombreux fans en Belgique, aux Pays-Bas, en France, au Canada et en Allemagne…
En 1990, elle sort Duelle, un disque de chansons françaises, qui devint disque d’or en France. La même année, elle sort son premier disque en néerlandais, un CD en hommage à Will Tura, Turalura.
Son album Liverpool, enregistré dans la ville du même nom sort en 1994. Elle y chante avec la chanteuse britannique de soul, Carmel qui fut également productrice du disque.
En 1997 elle est l’invitée surprise des PROMS à Anvers : 15 soirs devant 18.000 personnes à chaque fois. Elle chante avec l’orchestre symphonique « Il Novecento » à côté d’artistes tels que Simple Minds, Blondie, Alan Parsons Projects…  Son succès est phénoménal.
En 1998, elle participe à la comédie musicale « Brel Blues », un hommage aux chansons de Jacques Brel.  La même année, les jeunes lecteurs du journal « De Morgen » lui décernent le titre de « Personnalité wallonne la plus populaire ».
En 1999, elle commence sa tournée « Piaf/Une Vie » à l’Ancienne Belgique à Bruxelles. Son interprétation personnelle du répertoire de la Môme rencontre un vif succès. Elle fera plus de 200 représentations de ce spectacle jusqu’en décembre 2000.
En 2001 elle enregistre un nouveau CD « Flagrants délices » estimé par la presse comme étant son meilleur album. Ses tournées  la conduisent dans le monde entier : Paris, Amsterdam, Varsovie, Genève, Québec, New-York, Hong-Kong…
Le 26 février 2001, elle se produit au Foyer communal de Gembloux pour un concert  « Jo Lemaire chante Piaf » (photo). Surprise et émotion pour la native de la localité : la ville lui décerne le titre de citoyenne d’honneur lors d’une brève cérémonie avant sa représentation.
Le 31 janvier 2005, elle se produit au Bozar à Bruxelles en présence de la reine Paola.
La chanteuse a de la personnalité : authentique, spontanée, opiniâtre et inventive. Elle aime sa liberté et n’hésite jamais à prendre des risques.
 Sa discographie est remarquable et témoigne de son talent et de son éclectisme : fado portugais, cabaret allemand, folk irlandais, chanson française, Jo Lemaire explore avec talent et bonheur toutes les voies musicales appartenant à notre mémoire collective.
C’est à Malines que l’ex-gembloutoise a aujourd’hui élu domicile.



Photo Wikipedia



Photo Philippe Depireux


Photo Le Soir du 27 novembre 2003 - Jo Lemaire fête ses 25 ans de carrière au Cirque royal





Invitation pour le concert à Gembloux du 26 février 2000



Sources : V.A. des 25, 26 et 27 août 1997. « 1977-1982 : Les années Jo Lemaire+Flouze » Philippe Depireux raconte.   (s) Xavier Diskeuve

    Olivier Monssens reçoit Jo Lemaire (05/06/2011) :  www.rtbf.be/classic21/article_a-la-rencontre-de-jo-lemaire?id=6232953
    Interview de Jo Lemaire - RTBF 09/06/2011 : www.rtbf.be/video/detail_interview-jo-lemaire?id=1061913
    Jo Lemaire - Wikipedia   fr.wikipedia.org/wiki/Jo_Lemaire

Arsène Burny : portrait


Arsène Burny


Professeur émérite de la Faculté des sciences agronomiques de Gembloux et de l’Université libre de Bruxelles, Arsène Burny est un des biologistes belges les plus en vue. Ses recherches en virologie l’ont conduit sur les traces de la leucémie bovine, du sida ou encore du cancer. Cette cheville ouvrière de l’opération Télévie est un homme de cœur et de franc-parler. C’est un véritable humaniste passionné de recherche et qui cultive les relations humaines.

Né en 1933 à Mellery où ses parents exploitaient une ferme de 15 ha, il fréquente l’école communale et ensuite l’athénée d’Ixelles (cycle secondaire inférieur) – il fréquentera ensuite l’athénée de Wavre.
Par deux fois, il sera amené à interrompre ses études secondaires pour participer à la survie de l’exploitation familiale.

Au terme de ses humanités il décide de devenir ingénieur agronome. C’est à vélo qu’il se rendait chaque matin à l’institut agronomique à Gembloux, appelé ensuite  Faculté universitaire des sciences agronomiques (FSAGx) et à présent Gembloux Agro-Biotech (Ulg). Il décroche ensuite une licence ,  puis un doctorat en sciences zoologiques à l’Université libre de Bruxelles (Ulb), orientation physiologie cellulaire. A la fin des années 60 il décide d’accomplir un séjour post-doctoral  à l’Université d’Illinois sous la direction de l’Américain Sol Spiegelman rencontré à Bruxelles. Il le suivra ensuite à New-York où son mentor avait pris la direction de l’Institut de recherche sur le cancer à l’Université de Columbia. Pendant trois ans et demi, Arsène Burny travailla à New-York où un poste de professeur associé lui avait été attribué, tout en conservant son poste d’assistant à Gembloux où il revenait deux mois chaque année.

Il revient à Gembloux en 1972, pour honorer une promesse faite à son ami le professeur  Léon Hennaux à qui il succèdera plus tard comme titulaire de la chaire de physiologie animale mais aussi  pour des raisons familiales – le vœux de son épouse et l’éducation de ses deux enfants. Si Gembloux demeura son port d’attache il exerça à l’Ulb comme assistant-chercheur et ensuite professeur de biologie moléculaire. On le retrouvera aussi à la Cornell University, à New-York, de 1986 à 1990 : professeur associé.

Membre titulaire de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique , ainsi que de l’Académie de médecine de Belgique, Arsène Burny préside également les commissions  « Cancérologie » et « Télévie »du Fnrs. Il habite Gembloux depuis plus de 50 ans

Source : Athena 185 / novembre 2002  (s) Philippe LAMBERT




Photo Arnaud de Cremer  - Le Soir 1/08/2005

Le tunnel : 20 ans déjà...


Le tunnel: 20 ans déjà...


Le 20 janvier 1995 fut inauguré le tunnel sous les voies ferrées de la ligne 161.
C’est en 1972 que les Travaux publics et la SNCB ont décidé de réaliser ce projet qui était dans l’air depuis …1954. Ses lignes directrices furent définies en 1975. Une autre option -finalement abandonnée-, celle d’un contournement de Gembloux par le nord (en gros, un tracé proche de la chaussée romaine depuis « le Monty » à Corroy-le-Château juqu’à la N4)  fut par ailleurs étudiée et souvent  préconisée: jusqu’en 1985. Un même objectif cependant: fluidifier le trafic toujours croissant de la N29 (6.900 véhicules/jour dont ¼ de poids-lourds, en 1980), en évitant le blocage très fréquent au passage à niveau n° 46.

Début des travaux
Entre 1981 et 1984, les expropriations et démolitions préalables (30 maisons rasées, dont le restaurant « les 3 clés » et le magasin « Unic ») furent réalisées. (Photos 1 et 2)
En 1984, la cabine de signalisation de la SNCB fut supprimée et déménagée.
En avril 1992, les travaux préparatoires, notamment le déplacement des nombreux câbles et canalisations qui longeaient les voies, étaient  terminés.
Les travaux de terrassement débutèrent le 1er septembre et l’on prévoyait  une réalisation dans un délai de 500 jours ouvrables. Le trafic routier sur la N29 atteignait alors 10.000 véhicules/jour.
En novembre 1992, une voirie de déviation, côté gare (2 bandes de circulation + un passage pour piétons) donnant accès à un passage à niveau provisoire fut mise en place. Le trafic des poids-lourds de plus de 5 tonnes fut dévié en dehors de la localité. (Photo 3) Le Soir-Yves Raisière

Une petite prouesse technique
L’opération principale s’est déroulée en plusieurs phases durant le w.e. de la Pentecôte;  les 28, 29, 30  et 31 mai 1993.
Le vendredi, l’énorme caisson de béton pesant 3 .550 tonnes, long de 30 m, large de 15 m et haut de 8 m, qui avait été fabriqué sur place, dans une fouille, en contrebas des voies de chemin de fer, côté sucrerie, fut glissé de 7 mètres sous les voies accessoires côté Tirlemont. Ainsi, le trafic ferroviaire ne fut pratiquement pas interrompu tandis que le creusement sous les voies principales se poursuivait  (Photo 4). L’énorme structure, assortie de patins en néoprène et posée sur des poutres de béton sur lesquelles une tôle en acier de 30 cm. de large faisant office de rail, fut poussée par 12 vérins hydrauliques de 25 tonnes chacun et de 40 cm de course. Ces vérins étaient eux-mêmes placés sur des rails scellés dans la poutre de glissement. A l’intérieur du caisson, un technicien face à une console de commande et 4 écrans vidéo assurait la progression de la structure à la vitesse théorique de 10 cm à la minute (Photo 5).
Du samedi  à 23 h au dimanche à 9 h, le caisson avance de 32,5 m pour se positionner exactement sous l’ensemble des voies, dont une seule, posée sur un pont provisoire, est maintenue accessible au trafic des trains durant l’opération. Tout cela dans un ballet incessant d’engins de génie civil et de camions chargés d’évacuer les terres (Photo 6).
Ensuite, une fois l’appareillage de déplacement démonté, la tranchée fut remblayée avant la repose des voies de chemin de fer.
Le glissement sous voies du passage souterrain pour piétons, parallèle au tunnel routier, a été réalisé les  7 et 8 mai 1994 selon le même principe.
Il ne restait plus qu’à placer les équipements de sécurité du tunnel et à réaliser les aménagements en surface : voirie, rond-point, abords  etc...

Chiffres

Le tunnel routier 
Longueur totale couverte: 82 m, dont 30 m. sous voies.
Ouverture libre de 13 m de largeur et de 4,5 m de hauteur. Deux bandes de circulation de 3,7 m de large séparées par une berme de sécurité et bordées de 2 bandes d’arrêt d’urgence de 2,5 m de large.
Les trémies s’étendent respectivement sur +/- 120 m côté Charleroi et +/- 82 m côté Tirlemont, avec une largeur entre les murs de 9,7 m

Le tunnel pour piétons.      
Longueur totale couverte: 63,6 m.                                                                               
Sections transversales de 3,65 m X 3 m. Longueur de 25 m.  Poids 230 tonnes.
Trémies de +/- 20 m. de part et d’autre. Largeur 3 m.  Hauteur libre, 2,20 m

Coût total
Le coût total des travaux fut d’environ  500 millions de francs belges  (12.400.000€), à charge des Travaux publics et de la Sncb.

Photos


Exode d'une gembloutoise - mai 1940

L' exode d'une gembloutoise en mai 1940 Carnet de route.

 

Avant- propos

En marge de  l’article intitulé « Il y a 75 ans, la bataille de Gembloux » il m’a semblé opportun de publier ici le récit d’une jeune fille de 21 ans à l’époque, qui a vécu l’exode entre le 14 mai et le 3 juin 1940, avec sa mère.
Ces deux femmes, Madeleine ANDRE (1919-2014) –photo- et Amélie DESSY (1884-1965) habitaient à Corroy-le-Château, place Communale (aujourd’hui Place de Nassau).
Comme bon nombre de gembloutois concernés par la bataille imminente, elles allaient vivre une aventure hors du commun.
A noter que le général  A. Juin s’est reposé quelques heures (du 11 au 12 mai 1940) dans leur maison avant la bataille.
65 ans après les faits, Madeleine ANDRE a noté ses souvenirs. 18 pages manuscrites (photo) d’une précision remarquable. Elle relate mais ne livre pas ses sentiments.



Carnet de route de l'exode


Vendredi 10 mai
A mon lever, vers 6h30, on entendait des bruits sourds d’avions.
En écoutant la radio, j’ai appris que les allemands étaient entrés en Belgique durant la nuit.
Je me suis levée et me suis apprêtée pour aller au travail. A la gare de Gembloux,  les personnes avec lesquelles je faisais la navette étaient au poste et nous sommes parties à tout hasard.
En arrivant à Bruxelles nous avons appris que quelques maisons (au square de Meeus) avaient été bombardées.
La journée s’est passée assez calmement et le soir nous sommes rentrées sans encombres. Il y avait déjà des tanks français à Corroy.

Samedi 11 mai
En arrivant à Gembloux, le chef de gare nous a signalé que le pont du chemin de fer avait été touché pendant la nuit : pas de trains donc…
Je suis rentrée à Corroy où il faisait calme.

Dimanche 12 mai, jour de la Pentecôte
Pendant la messe, la chaussée de Charleroi a été bombardée. Quelques maisons également à proximité de la gare de Gembloux (dont celle de Jules Cochin).
Au cours de l’après-midi, beaucoup de réfugiés arrivaient à Corroy, venant pour la plupart des régions de Huy et d’Andenne.
L’armée française prenait position dans la région.
La soirée fut assez calme.

Lundi 13 mai

Le matin, un homme de la SNCB est venu prévenir mon père et quatre ou cinq autres ouvriers des Bas-Prés  de rejoindre immédiatement l’atelier central de Salzinnes pour d’accompagner les locomotives et du matériel ferroviaire jusqu’à Rouen, afin de les soustraire à l’envahisseur.
Vers 17 h, des soldats français sont venus nous ordonner de partir pendant la nuit. Tout le village a du évacuer.
Le Bourgmestre Marvelle est allé chez tous les fermiers et cultivateurs du village, leur demandant d’accepter que leurs voisins puissent les accompagner pour rejoindre Ypres.
Nous avons préparé nos baluchons et les avons portés chez le papa d’Anaïs (surnommé « le Pèpèt »), un petit cultivateur qui habitait, comme nous, place Communale. Le chariot, attelé avec deux chevaux, était déjà prêt. Le groupe comptait une petite vingtaine de personnes.

Mardi 14 mai
Grand départ à l’aube vers 4 heures. Itinéraire : Ardenelle, Gentinnes, Mellery, Marbais et puis la chaussée de Nivelles. C’est là, en bordure de l’aérodrome de Nivelles que nous avons connu l’enfer !
Il y avait une longue file de réfugiés et les allemands en ont profité pour les mitrailler à basse altitude. En levant la tête, on voyait les pilotes très distinctement.
Nous étions tous couchés dans un petit fossé le long de la route. Profitant d’une courte accalmie, nous avons continué. Mais, tandis que nous traversions la ville, les bombardements ont repris avec plus d’intensité encore.
Nous nous trouvions dans l’encoignure d’une porte pour nous protéger lorsque le propriétaire de la maison nous a fait entrer et fait descendre dans la cave. Lorsque nous sommes sorties, mauvaise surprise. Le chariot (et nos maigres bagages) était parti sans nous attendre…
Il y avait avec nous une famille de Gembloux – les parents et leurs deux filles-  et nous avons décidé de continuer. Le clocher de Sainte-Gertrude a attendu que nous passions à proximité pour s’effondrer !
Cette famille gembloutoise connaissait une famille de Braine-le-Comte où il nous serait possible de nous requinquer quelque peu. Mais il nous fallait encore marcher 15 km. Nous avons traversé le bois de la Houssière où se trouvaient de nombreux soldats français avec des chars.
Cette famille brainoise fut charmante à notre égard. Nous pûmes dormir sur un matelas posé à même le sol.

Mercredi 15 mai
Le matin, nous avons décidé de continuer vers Soignies. La famille de Gembloux souhaitait gagner la France en train.
Entre Braine-le-Comte et Soignies, un camion militaire français s’est arrêté et le chauffeur nous a demandé où nous allions. J’ai répondu que nous comptions atteindre Tournai pour prendre un train vers Courtrai. A ma grande surprise, le camion allait justement de ce côté-là. Vers midi, nous étions à la gare de Tournai. C’est là, dans la salle d’attente, qu’une dame extrêmement gentille et fort sympathique nous a expliqué qu’elle était gouvernante dans une famille en Wallonie et qu’elle préférait rejoindre les siens. Nous avons poursuivi le voyage ensemble et sommes arrivées à Courtrai à la nuit était tombée. Cette dame s’est renseignée pour trouver un endroit où passer la nuit et on nous a guidées jusqu’aux Halles  -superbes- où nous avons passé la nuit, assises sur les marches d’un immense escalier, bien contentes d’être à l’abri, et presque au but de notre voyage forcé.

Jeudi 16 mai
Au matin, des scouts nous ont apporté des tartines bien beurrées et deux œufs durs à chacune, ainsi que du bon café à volonté.
Ensuite, nous voulions rejoindre un arrêt de tram. Comme la dame qui nous accompagnait habitait un petit village tout proche, elle nous a invitées dans sa famille. Nous y sommes restées une heure, le temps de  nous laver et de nous restaurer un peu.
Le conducteur du tram que nous avons alors emprunté fut charmant. Il n’a pas voulu qu’on paie, vu que c’était la guerre a-t-il dit. Le terminus se situait entre Menin et Ypres. Nous sommes descendues et avons poursuivi à pied durant environ 1h30. Vers 18 h. nous étions sur la place d’Ypres. Je me suis renseignée pour trouver un gîte pour la nuit et avons pu loger, avec d’autres personnes, dans un cinéma. Là, des scouts et des gens de la Croix-rouge nous ont préparé un petit coin sur la scène, avec une botte de paille. Pour souper, nous avons reçu des tartines et un bol de soupe, assez bonne ma foi. Nous nous sommes ensuite endormies profondément.

Vendredi 17 mai
J’ai passé la journée dehors dans l’espoir de rencontrer une connaissance de Corroy pour tenter de retrouver le chariot. En vain.

Samedi 18 mai
Même objectif que la veille. Retrouver le « Pèpèt ». Cette fois j’ai eu plus de chance : j'ai rencontré le cantonnier de Corroy sur la place, en face des Halles. Je lui ai narré notre périple et, miracle, il sait où gîte le « Pèpèt » et les autres gens du village.
Je suis allée informer ma mère, bien contente, surtout, de retrouver nos affaires.
Nous avons marché environ ½ heure vers une ferme dans la campagne avoisinante. Les « faisans » étaient installés dans une grange plutôt propre.

Dimanche 19 mai
Nous sommes restés au même endroit du fait que les deux chevaux devaient se reposer.

Lundi 20 mai
Dans la matinée, le petit groupe lève le camp pour atteindre la frontière française à Abeele, petit village situé entre Ypres et Poperinge. Mais la frontière est fermée et nous sommes contraints de rester là deux jours. Nous avons dormi dans un abri de jardin où il ne faisait pas très chaud, mais nous avions retrouvé nos deux couvertures. Heureusement. Pour la nourriture et les boissons chaudes, nous nous sommes débrouillées tant bien que mal. Par bonheur, le temps était beau.

Mardi 21 et mercredi 22 mai
La situation était plutôt calme, hormis, parfois, un combat aérien, des tirs de DCA et des fusées éclairantes durant la nuit.

Jeudi 23 mai
Départ vers le Kemmelberg pour tâcher de passer en France. Nous ignorions que les allemands approchaient de Dunkerke. Nous étions donc coincés. Nous avons trouvé refuge dans un hangar. Pendant ce temps, la bataille faisait rage sur la Lys. Pris comme des rats, nous ne pouvions ni avancer ni reculer. Grande inquiétude.

Mardi 28 mai
Nous apprenons dans la soirée que le Roi a capitulé. Enfin une nuit calme depuis 15 jours.

Mercredi 29 mai
Comme beaucoup d’autres réfugiés nous avons rebroussé chemin. Nous avons marché jusqu’à Vlamertinge, à environ 5 km d’Ypres. Ma mère était exténuée. Moi aussi.
Nous avons donc décidé de nous arrêter près d’une ferme, cette fois avec notre barda. Les fermiers nous ont bien accueillies : un couple fort gentil qui parlait assez bien le français.
Ils nous ont invitées à partager leur repas. Le soir, ils ont descendu un matelas pour nous au rez-de-chaussée.

Jeudi 30 mai
Journée calme.

Vendredi 31 mai
Les premiers allemands venant d’Ypres se dirigent vers  la mer. On voit passer du matériel militaire et des troupes fraîches jusque tard dans l’après- midi.

Samedi 1 juin
La matinée est calme. Nous nous décidons de reprendre la route par petites étapes. Le fermier m’a proposé un vieux vélo, sans pneus ni chambres à air, pour accrocher nos maigres bagages. J’ai, bien entendu, accepté son offre avec joie. Nous marchions depuis une heure à peine quand une petite charrette s’arrête à notre hauteur. Elle était tirée par un petit cheval. Trois soldats belges démobilisés marchaient à côté, et ils nous ont demandé d’où nous étions. J’ai répondu que nous rentrions à Gembloux. Miracle… ! L’un d’eux était de Quenast, un autre de Wavre et le troisième de Glimes. Ils ont installé ma mère dans la charrette, ainsi que le vélo. Pour ménager le petit cheval, j’ai marché avec ardeur et courage avec mes trois sauveurs. Le soir, nous nous sommes arrêtés à Anvaing et avons passé la nuit dans une maison abandonnée mais assez confortable.

Dimanche 2 juin
Même scénario que la veille. Nous sommes arrivés à Quenast sans encombres, chez le premier soldat. Il habitait une petite ferme avec sa femme et ses beaux-parents. Nous avons passé la nuit sur un matelas descendu dans la salle à manger, et les deux autres soldats dans le fournil.

Lundi 3 juin
Après une bonne nuit et un solide petit déjeuner (omelette au lard, tartines beurrées, bon café), nous avons repris la route pour Wavre, via Lasne. Nous avons traversé Rixensart et sommes arrivées à Wavre (au lieu dit « le Fin bec ») où nous sommes descendues pour reprendre courageusement la route jusqu’au bois de Lauzelles. Au sommet de la côte, nous nous sommes reposées sur un talus. Il devait être alors 15 ou 16 heures. Il restait une vingtaine de km à parcourir mais tout s’est bien passé.
Lorsque nous sommes arrivées aux « Gotteaux » à Corroy-le-Château, un homme à vélo nous a dépassées. Sur la place, il a vu Aurélie, notre voisine, et lui a dit que nous arrivions. Celle-ci s’est empressée de prévenir mon père qui est venu à notre rencontre sur la campagne de l’Ange. Il faisait presque nuit.
Papa Jules savait que nous allions rentrer car le chariot était revenu la veille avec tous les rescapés au complet et une partie de nos bagages.
Nous avons poussé un « ouf » de soulagement et mon frère Marcel, sergent dans l’armée belge, nous est revenu fin juin en bonne santé.
La guerre allait durer 4 ans et demi, mais nous ne le savions pas.

Note : mon père qui était parti deux jours avant nous pour rejoindre d’autres cheminots avec pour mission de se rendre à Rouen n’a jamais quitté le territoire belge. Ces hommes ont erré le long de la frontière et sont finalement rentrés sur un camion allemand  jusque Fleurus.
Nous ne pouvions imaginer qu'il était si proche de nous lorsque nous étions à Ypres...



Madeleine ANDRE - Février 1940 (mariage de son frère Marcel).




Manuscrit (2004) (page 1 de 18)

La bataille de Gembloux - mai 1940.





 

Il y a 75 ans, la bataille de Gembloux :

14 et 15 mai 1940



Le 10 mai 1940 à l’aube, l’armée allemande envahissait le Belgique avec pour objectif de gagner le territoire français. En vertu d’une convention signée avant-guerre entre les Etats-majors français et anglais, l’armée française et un Corps expéditionnaire anglais prennent alors position en Belgique – neutre- aux côtés de l’armée belge dont des divisions refluent du canal Albert après la chute du fort d’Eben-Emael  le 11 mai, pour s’opposer à l’envahisseur.
La  1ere Armée française, ainsi que le Corps expéditionnaire britannique prennent position au centre du dispositif de l’armée belge. Le 134e R.I entre en Belgique le 11 mai et arrive à Gembloux dans la nuit du 11 au 12 mai.
Les forces armées en présence
Dès le 10 mai 1940, le 4ème Corps de la 1ère Armée française, avec à sa tête le général  Henri Aymes (photo) , prit toutes les mesures pour s’installer sur les positions qui lui étaient assignées dans le plan d’opération « Manœuvre de la Dyle », entre Ernage et Beuzet.
La 1ère division marocaine (1DM) du général  Albert Mellier ne fut définitivement sur place (Ernage) que tard dans la matinée du 14 mai, après l’arrivée du 7 RTM (Régiment de tirailleurs marocains) épuisé après une marche forcée de plus de 100 km en 3 jours.
De son côté, le général Alphonse Juin, à la tête de la 15ème Division d’infanterie motorisée (15 DIM) occupa  les positions prévues (Lonzée et Beuzet) dès le 12 mai.
Le but était de barrer à tout prix la trouée de Gembloux, de sorte à empêcher l’ennemi de contourner la place forte de Namur et d’atteindre Charleroi par la Sambre.
Entre Ernage et Beuzet, le terrain forme un plateau sans obstacles naturels. La 15 DIM plaça environ 2.500 mines antichars dans le secteur du centre et de droite mais pas devant la majeure partie du secteur de gauche, celui d’Ernage.
Les Français disposaient de canons antichars et de chars R35 (photo) et Somua. Leurs canons de 25 étaient d’un maniement difficile, peu commodes à manœuvrer du fait qu’ils n’étaient pas montés sur chenilles.
La 1ere Armée était précédée par le Corps de Cavalerie du général Prioux, fort de deux divisions blindées , très modernes pour l’époque, chargées d’opérer, entre le 12 et le 14 mai, un combat retardateur permettant le déploiement du gros de la 1ere Armée. Celle-ci se déploie de Wavre à la position fortifiée de Namur, le long de l’obstacle antichars « Cointet », du nom de son inventeur,  et de la voie ferrée de Bruxelles à Namur qui prolonge la ligne défensive KW (Koningshooikt-Wavre). Ce dispositif antichars était hélas incomplet et discontinu à cause des retards pris dans son installation et dus au long hiver 1939-1940.

Le Corps expéditionnaire britannique était composé de deux divisions, dont l’une est commandée par le général Montgomery. Ces forces anglaises se déploient à gauche du dispositif français, entre Wavre et Louvain et assurent la jonction, à leur gauche, avec l’armée belge déployée en couverture de Bruxelles. Il ne participera pas à la bataille de Gembloux.

Les Forces allemandes en Hesbaye sont la V ième  Armée von  Reichenau,  précédée en fer de lance par le XVIe Panzer Korps du général  Erich Hoepner (photo), composée de deux divisions panzer  (3 et 4 Pz Div).
A Gembloux, l’armée belge n’intervient pas, ses missions étant ailleurs.

Offensives, contre-offensives  et repli stratégique dans l’honneur
Le 12 mai 1940 - dimanche de la Pentecôte -  le Corps de Cavalerie Prioux entame sur la Gette, à Hannut, son combat retardateur contre les divisions Panzer, et le poursuivra avec succès jusqu’au 14 mai  à l’aube où il rejoint la 1ere Armée autour de Gembloux, conformément aux ordres de l’Etat-major français. Il revenait au  4e Corps de la 1ere Armée française de défendre la ligne s’étendant  de Ernage à Beuzet.
Ce jour là, la ville est sévèrement bombardée, l’aviation allemande visant  essentiellement la gare qui constituait alors un nœud ferroviaire important. De nombreuses victimes civiles furent à déplorer.

Le 13 mai, la population des localités situées à proximité de la ligne des combats reçoit des autorités militaires françaises l’ordre formel d’évacuation. Ne restera  à Gembloux  et dans les villages qu’une bonne centaine d’habitants terrés dans les caves.

Le 14 mai à l’aube commence la Bataille de Gembloux. Les bombardements commencèrent vers 7 h du matin. Agissant à Ernage en piqué et en rase-mottes, les stukas pilonnèrent  une heure durant la voie ferrée et ses alentours n’occasionnant que peu de pertes. Vers 10 h les bombardements reprirent. Trente-cinq chars allemands pénètrent dans le village sans résistance : ils avaient été pris tout d’abord pour des chars français ! Puis, ils furent attaqués par des canons de 25. Cette riposte et l’escarpement de la voie ferrée arrêta leur progression. Bientôt, un quart d’entre-eux furent atteints. Aussi, préfèrent-ils se replier. Une nouvelle offensive eut lieu vers 12 h. Elle combina cette fois l’artillerie et l’infanterie. Durant toute la journée du 14 mai, les Allemands vont tenter de percer entre Ernage et Beuzet mais sans succès.
De son côté, la 15 DIM avait mis en place son artillerie qui pouvait même atteindre les Cinq-Etoiles (Thorembais-Saint-Trond). Dans l’après-midi, elle pilonna de nombreux chars à  Baudecet (Sauvenière), contraignant les Allemands , désemparés, à creuser sous leurs engins ce qu’ils appelaient des « caves héroïques ».
Ce même après-midi, une troisième offensive, appuyée par des stukas fut menée contre le secteur français d’Ernage. Entre deux passages à niveaux, la ligne de chemin de fer n’avait pas été occupée par un détachement marocain. Des chars allemands s’y glissèrent. Mais ils furent repoussés. Selon le témoignage du général Aymes, l’aviation française ne disposait que d’un matériel « insuffisant et désuet ». Elle ne fut de fait pas d’un grand secours pendant les opérations. Une de ses unités de reconnaissance repéra, au début de la matinée du 14 mai, quelque 150 chars au carrefour des Cinq-Etoiles. Une autre fut abattue le 15, au point du jour.
Cependant, le 14 mai au soir, le général Aymes ordonna une contre-offensive, par le 35 BCC (Bataillon de chars de combat), couronnée de succès. Il permit ainsi à la 1ère division marocaine de retrouver ses positions initiales et même de détruire les ponts enjambant la voie ferrée.
Quant à la 15e division motorisée, elle repoussa, le soir du 14 mai, une tentative de pénétration allemande par la vallée de l’Arton. Les allemands sont contraints de se replier vers Thorembais-Saint-Trond. Leur recul ne fut que momentané, leurs troupes ayant réussi en percée en Ardenne et à franchir la Meuse entre Houx et  Dinant.
 A l’instar de ce qui s’était passé durant toute la journée, les bombardements continuèrent pendant la nuit. Ils provoquèrent des incendies à Ernage et à Gembloux.
Pendant deux jours, du 14 au 15 mai, la 1ère Div. Marocaine supportera l’essentiel de la poussée allemande au prix de lourdes pertes (près de 1.000 hommes perdus), menant le combat jusqu’au corps à corps. Le 1er Bataillon du 2 RTM ( Régiment de Tirailleurs marocains) – dont le PC était installé à la ferme de Sart-Ernage – (photo), en sortait réduit à 74 hommes sur plus de 600, et la 2e Cie du Capitaine Grudler était reconnue anéantie. Le Capitaine Grudler avait lui-même trouvé une mort glorieuse le 15 mai vers 17 h, au milieu de la poignée de survivants de son unité, en menant le dernier baroud…
 La bataille se termine, sur ordre de l’Etat -major  français, le 15 mai au soir afin d’échapper à un encerclement, les Allemands ayant atteint Philippeville.
La 1ere Armée se replie alors progressivement, et en combattant, à partir du 16 mai vers Lille. Au moment du repli français, le 16 mai au matin, les unités allemandes sont toujours sur leurs positions du 14 mai au matin (c'est-à-dire à la ferme de Baudecet qui abritait l’Etat-major ), alors que leurs ordres indiquaient d’être à Nivelles le 15 mai au soir.
Le 16 mai, les Allemands, à part une reconnaissance en profondeur  ne reprennent pas directement la poursuite de le 1ere Armée. Ils la reprendront seulement le 17 au matin pour être arrêtés le 18 sur ordre de l’OKW , moment où les deux divisions Panzer sont réaffectées au groupement von Kleist près de la forêt de Mormal. La VI e Armée allemande continuera sans le Corps Panzer sa progression vers les côtes de l’atlantique.
Le 28 mai, l’armée belge capitule. Les rembarquements de Dunkerque ont lieu entre le 20 mai et le 3 juin 1940 permettant le repli en Angleterre de plus de 338.000 hommes qui purent reprendre ainsi  le combat ultérieurement.





Le bilan
La bataille de Gembloux fut la première bataille de chars de l’histoire militaire mondiale, en tout cas dans sa première phase qui s’est déroulée dans la région de Hannut, Merdorp et Jauche. Elle a marqué le coup d’arrêt de la « Blietzkrieg » depuis ce 1er septembre 1939 où l’Allemagne envahit la Pologne. Enfin, elle constitue la seule victoire terrestre de l’armée française durant la campagne de mai  1940.
Les pertes humaines et matérielles ont été considérables dans les deux camps. Des centaines de soldats y ont laissé leur vie.
Côté Français :
Coup d’arrêt de 72 heures aux Panzers ;
Perte d’un millier d’hommes. Le nombre exact restera inconnu. Plus de 1000 prisonniers  par les Allemands ;
Perte de plus de 200 engins blindés et matériels divers ;
Victoire tactique non exploitée SUR ORDRE  DU GROUPE D’ARMEES. (Risque d’encerclement par le Sud).
Côté Allemand :
Echec de la manœuvre visant à capturer la « Dyle Stellung » dans les plus brefs délais, « battre une partie aussi considérable que possible de l’armée française et gagner le plus de temps possible pour mener la guerre contre l’Angleterre… » . Tels étaient les ordres allemands d’opérations pour la VIème Armée et le XVIème PZ K ;
Plus de 300 blindés  endommagés ou détruits sur les 750 engagés par les 3 et 4 Div.Pz, principalement au passage de la voie ferrée et dans le champ à l’est de la ligne de chemin de fer (photo), ainsi qu’une dizaine d’avions de reconnaissance et de combat ;
Plus de 600 soldats d’élite sont morts. Ils furent inhumés jusqu’en 1941 à l’orée S.E. du Bois de Buis, puis à Bourg-Léopold et enfin à Lommel.

L’après, pour les combattants français…
Après avoir participé efficacement aux combats de Lille, la 1ère Division Marocaine put évacuer vers l’Angleterre les restes de ses Unités.  Trois jours plus tard ils furent rapatriés, après de multiples épisodes, au Maroc (sous le Régime de Vichy !) pour être engagés, avec réticences pour une majorité d’entre-eux, contre les forces US y débarquant en 1942, puis repris dans d’autres Régiments de tirailleurs en 1943 dans le Corps expéditionnaire français du général Juin en Italie (Monte Cassino, Garigliano et ouverture de la route de Rome...).
Quant à la 15ème Division Motorisée du Général Juin, elle fut entièrement  capturée et envoyée en captivité après les combats de Lille, non sans avoir reçu les honneurs militaires par les Allemands. Libéré en 1943, le général Juin rejoindra le Maroc pour y prendre ensuite le commandement du Corps expéditionnaire français en Italie.

 Les rembarquements de Dunkerque ont lieu entre le 20 mai et le 3 juin 1940 permettant le repli en Angleterre de plus de 338.000 hommes qui purent reprendre ainsi  le combat ultérieurement.


On notera que les détails de cette bataille restèrent longtemps méconnus. Des circonstances fortuites amenèrent, au milieu des années  90 - 50 ans après les faits donc - à la rencontre des auteurs du livre « Gloire et Sacrifices », le Colonel Raoul François et Franz Labarre, et des deux seuls rescapés du petit groupe entourant le Capitaine Grudler. Une précieuse collecte d’informations fut ainsi réalisée et poursuivie. Raoul François s’est efforcé de recueillir de nombreux détails, ce qui lui a permis de corriger de nombreuses  erreurs colportées involontairement jusqu’alors et de restituer pour l’Histoire le contexte réel de cette bataille. Un historien américain de renom, le Pr. Jeffrey Gunsburg  a également réalisé une étude très documentée à ce sujet  pour l’Institut militaire de Virginie et publié aux E-U par la Fondation G.C. Marshall. Il a collaboré avec les auteurs de « Gloire et Sacrifices » à la coordination d’écrits et de témoignages de sources diverses, et relatifs à la bataille de Gembloux en mai 1940.
Aujourd’hui encore, cette bataille est étudiée dans les Ecoles militaires françaises et étrangères.


Sources :
La résistance française dans le secteur de Gembloux,  (s) Joseph Toussaint in l’Orneau  (date ?)
Bataille de Gembloux – Mai 1940 (s) Col. Raoul François, l’Orneau du 21/01/1998
Panneau didactique à proximité de la table d’orientation de Grand-Manil  (Penteville).

          

Remerciements particuliers au Colonel Raoul FRANCOIS, historien de la bataille de Gembloux et président du Comité Franco-belge bataille de mai 1940, qui a volontiers accepté de relire ce texte et d’y apporter des précisions pertinentes.



Souvenirs et hommages aux combattants et aux victimes




Iconographie


Table d'orientation de Penteville (Grand-Manil).
Position des Unités en présence le 14 mai 1940



Panzers à Ernage le 15 mai 1940



Le général Erich Hoepner
(source Wikipedia)
Naissance : 14 septembre 1886 - Francfort-sur-l'Oder (DE)
Décès : 8 août 1944 (57 ans) à la prison de Plötzensee (Berlin). Exécuté pour sa participation au complot du 20/07/1944 contre Adolf Hitler
Grade : Generaloberst
Années de service : 1904 - 1942
Conflits : Première et Seconde Guerre mondiale
Commandement : 16ème Corps de Panzer
                           4ème Armée blindée
Faits d'armes : invasion de la Pologne, bataille de France, opération Barbarossa

















La ferme de Sart-Ernage qui abritait le P.C. du 1er Bon du 2 RTM le 14 mai 1940.
Incendiée le soir du 15 mai mais pas prise par l'ennemi.





Char R 35 du 35 BCC (Bataillon de chars de combat).
Introduit en 1936 dans l'armée française. Equipage de 2 hommes - canon de 37 mm, une mitrailleuse coaxiale de 7,5 mm, moteur Renault 4 cyl. essence dévelopant 82 HP à 2.200 tours/min. Vitesse sur route 20 km./h  autonomie 140 km.




Progression de chars français à Ernage en mai 1940




            Hommage au Général Henri Aymes - Chapelle de Moha



Rues de Gembloux rappelant les héros de la bataille de Gembloux, mai 1940
        


Monument aux Français, à la jonction de la N4 et de l'avenue des Combattants  


La nécropole française de Chastre




Le "Chemin creux" à Sart-Ernage, théâtre de sanglants combats au corps à corps le 15 mai 1940